Face à la criminalité financière, les établissements bancaires sont désormais les sentinelles incontournables. Leurs obligations se renforcent pour endiguer ce fléau économique majeur.
Un arsenal réglementaire en constante évolution
La législation anti-blanchiment s’est considérablement étoffée ces dernières décennies. Les directives européennes successives ont imposé aux banques des obligations de plus en plus strictes. La 5ème directive anti-blanchiment de 2018 a encore renforcé ce dispositif, avec notamment l’élargissement du champ des entités assujetties et le renforcement de la coopération entre autorités nationales.
Au niveau national, le Code monétaire et financier transpose ces exigences et les complète. L’ordonnance du 12 février 2020 a ainsi étendu les pouvoirs de sanction de l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et renforcé les obligations de vigilance des banques.
L’identification du client : pierre angulaire du dispositif
Le devoir de vigilance des banques commence dès l’entrée en relation d’affaires. Elles doivent identifier leurs clients et vérifier leur identité au moyen de documents probants. Pour les personnes morales, cette obligation s’étend aux bénéficiaires effectifs. Les banques doivent également recueillir des informations sur l’objet et la nature de la relation d’affaires envisagée.
Cette vigilance doit être maintenue tout au long de la relation commerciale. Les banques sont tenues de mettre à jour régulièrement les informations dont elles disposent sur leurs clients. En cas de doute sur l’identité du bénéficiaire effectif, elles doivent prendre des mesures raisonnables pour le vérifier.
La surveillance des opérations : un devoir de tous les instants
Les établissements bancaires doivent exercer une vigilance constante sur les opérations effectuées par leurs clients. Cette surveillance doit être adaptée aux risques de blanchiment et de financement du terrorisme présentés par chaque client.
Les banques sont tenues d’examiner avec une attention particulière toute opération complexe ou d’un montant inhabituellement élevé, ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d’objet licite. Elles doivent se renseigner auprès du client sur l’origine des fonds et la destination de ces sommes, ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité de la personne qui en bénéficie.
La déclaration de soupçon : une obligation légale incontournable
Lorsqu’elles soupçonnent qu’une opération est liée au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme, les banques ont l’obligation de faire une déclaration de soupçon à TRACFIN (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins). Cette déclaration doit être effectuée avant l’exécution de l’opération, sauf si son report est impossible.
La déclaration de soupçon est protégée par le secret professionnel. Les banques et leurs dirigeants ne peuvent être poursuivis pour violation du secret bancaire ou dénonciation calomnieuse lorsqu’ils ont procédé de bonne foi à cette déclaration.
La formation du personnel : un enjeu crucial
Les banques ont l’obligation de former et d’informer régulièrement leurs personnels en contact avec la clientèle. Ces formations doivent porter sur la réglementation applicable, les techniques de blanchiment les plus récentes et les procédures internes de l’établissement.
Le personnel doit être capable de détecter les opérations atypiques ou suspectes et de mettre en œuvre les procédures internes de déclaration. La formation doit être adaptée aux fonctions exercées et régulièrement mise à jour pour tenir compte de l’évolution des risques et de la réglementation.
L’organisation interne : une responsabilité au plus haut niveau
Les banques doivent mettre en place une organisation et des procédures internes adaptées à leurs activités, leur taille, leurs implantations et les risques identifiés. Cette organisation doit être formalisée et régulièrement mise à jour.
Un responsable de la conformité doit être désigné au sein de la direction. Il est chargé de la mise en œuvre du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Les banques doivent également se doter d’outils de détection des opérations atypiques et de gestion des risques.
Les sanctions : une épée de Damoclès
Le non-respect des obligations anti-blanchiment expose les banques à de lourdes sanctions. L’ACPR peut prononcer des sanctions disciplinaires allant jusqu’au retrait d’agrément, ainsi que des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 100 millions d’euros ou 10% du chiffre d’affaires annuel.
Les dirigeants peuvent également être sanctionnés personnellement, avec des interdictions d’exercer pouvant aller jusqu’à 10 ans. En cas de blanchiment avéré, des poursuites pénales peuvent être engagées, avec des peines pouvant aller jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende pour les personnes physiques.
Les défis à venir : entre innovation et régulation
Les banques font face à de nouveaux défis dans la lutte contre le blanchiment. L’essor des crypto-actifs et des fintechs oblige à repenser les dispositifs de surveillance. La 5ème directive anti-blanchiment a commencé à encadrer ces nouveaux acteurs, mais la réglementation devra continuer à s’adapter.
L’utilisation de l’intelligence artificielle et du big data ouvre de nouvelles perspectives pour la détection des opérations suspectes. Toutefois, ces technologies soulèvent des questions éthiques et juridiques, notamment en termes de protection des données personnelles.
Les banques se trouvent au cœur d’un dispositif complexe et exigeant de lutte contre le blanchiment. Leurs obligations, déjà nombreuses, sont appelées à se renforcer encore face à l’évolution des techniques criminelles. Cette responsabilité croissante nécessite des investissements importants et une adaptation constante de leurs procédures et de leur organisation.